24 oct. 2012

Thierry Tanoh, nouveau patron d’Ecobank.


Après 18 ans passés au sein de la Société Financière Internationale, l’ivoirien Thierry Tanoh rejoint le groupe Ecobank (ETI) en tant que directeur général. Il succède au nigerian Arnold Ekpe en fin de mandat. Sera t-il l'homme providentiel de la multinationale africaine aux 600.000 actionnaires et aux 23.000 salariés?
Thierry Tanoh fait partie de cette nouvelle génération d’économistes et de financiers africains qui n’ont pas lu René Dumont (L’Afrique noire est mal partie), qui ont l’aversion pour l’assistanat et qui sont convaincus que le développement du continent se fera via un secteur privé fort. Trop jeune pour avoir vécu la désillusion des indépendances, et s’imprégner de la thèse de l’afropessimisme. Trop vieux, pour réclamer des comptes aux aînés.
Bref, Thierry Tanoh est un africain décomplexé qui défend l’Afrique loin des incantations du genre «black is beautiful». Mais avec expertise et pragmatisme, comme en témoigne l’un de ses collaborateurs à la Banque mondiale. Né le 21 avril 1962 à Abidjan, il fera ses classes au Lycée Scientifique de Yamoussokro, puis à l’Institut National Polytechnique Houphouet Boigny. Lui aussi s’envolera en France, rêve de nombre de diplômés ivoiriens, mais pour en revenir, muni du précieux parchemin d’expert comptable. Le temps de confronter la théorie et la pratique à la Direction des Etudes et Contrôle des Grands Travaux (DCGTX), le voilà qui postule pour l’Université de Harvard. Il bénéficie du très sélectif  programme de bourse « Fulbright». Mais c’est finalement le président Houphouet Boigny qui lui accorde une bourse présidentielle sans restriction. Ainsi en 1992, Thierry  Tanoh s'envole vers les États-Unis pour Harvard, où il aurait pu croiser, une année plus tôt, un certain Barack Obama.
Dés la fin de ses études, en 1994, il intègre la Société Financière Internationale (SFI), branche privée de la Banque Mondiale. Le jeune fonctionnaire international gravira régulièrement les marches de cette institution. Il connaîtra la consécration en 2008 en devenant le premier francophone à occuper un poste de vice président opérationnel : Vice président pour l’Afrique subsaharienne, l’Amérique Latine et Caraïbes et Europe de l’Ouest de la SFI. Son passage à la SFI sera marqué par l’augmentation exponentielle des interventions de la filiale de la World Bank en Afrique qui ont franchi allégrement la barre des 2 milliards de dollars. C’est donc avec le sentiment du devoir bien rempli qu’il décide de prendre une retraite anticipée pour rejoindre le secteur privé et continuer le travail entrepris dans la sous région.
« Je suis un très grand partisan de l’intégration sous régionale. Dans ce contexte-là, je pense que le groupe Ecobank entre dans la ligne de ce à quoi j’aspire et ce pourquoi j’ai travaillé toute la vie».Presque, une profession de foi. A 49 ans, ce pur produit de la Banque mondiale atterrit dans une banque panafricaine présente dans 34 pays et qui est en phase d’internationalisation définitive. Avec Thierry Tanoh, l’institution panafricaine acquiert une marge supplémentaire de visibilité sur la scène internationale. Parviendra-t-il à consolider une banque qui pèse 20 milliards de dollars de total bilan et seulement quelques millions de dollars de bénéfices nets ? Comment se fera la répartition des rôles entre le ghanéen Albert Essien et la Sénégalaise, Evelyne Tall, ses deux directeurs adjoints qui se présentent comme les gardiens du temple ? Durant ses premières sorties à la presse, le manager a fait montre de pragmatisme. Pour lui, Ecobank doit jouer le rôle de fer de lance du secteur bancaire en Afrique subsaharienne.
La nomination de Thierry Tanoh est une bonne nouvelle pour le secteur privé africain dont il était l’ardent défenseur au sein de la SFI. Voilà ce qu’il confiait à Les Afriques en 2008 : «En Afrique, le coût du financement local est très élevé. J’ai un ami et entrepreneur qui me disait l’autre jour qu’il empruntait à plus de 15%. Ce taux place la barre de la rentabilité un peu trop haut pour une entreprise. Par ailleurs, l’environnement des affaires n’évolue favorablement que depuis très peu de temps, y compris pour les banques qui ont souvent du mal à obtenir des garanties fiables, comme par exemple sur un bien immobilier dont la propriété ne serait pas parfaitement formalisée, ou bien dans un contexte où la justice n’est pas toujours impartiale». Un diagnostic qui a valeur de programme pour celui qui invitait alors les banques à plus d’engagements «les banques doivent peut-être davantage jouer leur rôle. Si elles se limitent à investir dans les bons ou les emprunts obligataires d’Etat, elles ne contribuent pas beaucoup au développement d’une économie dynamique». Quatre ans sont passés depuis et Thierry Tanoh, a, aujourd’hui, l’occasion inouïe de transformer l’essai.
Sélectionné parmi une trentaine de candidats par le très réputé cabinet Korn Ferry, Thierry Tanoh  suit en ce moment une période de rodage en étroite relation avec son prédécesseur Arnold Ekpé.il  prendra les commandes du premier réseau bancaire africain à la fin de l’année. Mais bien qu’encore assis sur un strapontin, sa marge de manœuvre est entière. Les cadres de la banque confirment que Arnold et lui se parlent beaucoup et s’entendent bien. Ils ajoutent que pour les décisions qui engagent l’avenir, c’est plus Thierry Tanoh qui est à la manœuvre.
Le prochain plus influent banquier du continent n’a pas le temps de s’ennuyer. Il arrive tous les jours à 7h30 dans le gigantesque Centre panafricain Ecobank du Togo. Son bureau provisoire situé au 7ème étage est une pièce toute en verre masqué par des stores. Des photos de lui-même en compagnie de ses 3 enfants et de son épouse y tronent. C’est que pour le nouveau patron d’Ecobank, la réussite professionnelle semble assise sur un bon dosage entre travail et vie familiale. Le patron-dauphin consacre ses journées à se documenter, tester les produits Ecobank, rencontrer des clients, des actionnaires, communiquer avec les staffs. Ceux qui l’ont rencontré sont impressionnés par son calme, sa simplicité et son ouverture.
Ses challenges sont nombreux : résister à la concurrence accrue des banques, notamment du Maghreb, du Nigeria et de l’Afrique du Sud, assurer un retour sur investissement aux 600 000 actionnaires institutionnels et individuels locaux et internationaux, travailler sur l’expansion géographique de la banque pour couvrir toute l’Afrique subsaharienne,  utiliser ingénieusement les nouvelles technologies pour réduire le taux de sous bancarisation, par exemple le « mobile banking ». Il devra toutes fois imposer en douceur son style et ses méthodes afin de hisser au plus haut la banque panafricaine.

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