Après 18 ans passés au sein de la Société Financière
Internationale, l’ivoirien Thierry Tanoh rejoint le groupe Ecobank (ETI) en
tant que directeur général. Il succède au nigerian Arnold Ekpe en fin de
mandat. Sera t-il l'homme providentiel de la multinationale africaine aux
600.000 actionnaires et aux 23.000 salariés?
Thierry Tanoh fait partie de cette nouvelle génération
d’économistes et de financiers africains qui n’ont pas lu René Dumont (L’Afrique
noire est mal partie), qui ont l’aversion pour l’assistanat et qui sont
convaincus que le développement du continent se fera via un secteur privé fort.
Trop jeune pour avoir vécu la désillusion des indépendances, et s’imprégner de
la thèse de l’afropessimisme. Trop vieux, pour réclamer des comptes aux aînés.
Bref, Thierry Tanoh est un africain décomplexé qui défend
l’Afrique loin des incantations du genre «black is beautiful». Mais avec
expertise et pragmatisme, comme en témoigne l’un de ses collaborateurs à la
Banque mondiale. Né le 21 avril 1962 à Abidjan, il fera ses classes au Lycée
Scientifique de Yamoussokro, puis à l’Institut National Polytechnique Houphouet
Boigny. Lui aussi s’envolera en France, rêve de nombre de diplômés ivoiriens,
mais pour en revenir, muni du précieux parchemin d’expert comptable. Le temps
de confronter la théorie et la pratique à la Direction des Etudes et Contrôle
des Grands Travaux (DCGTX), le voilà qui postule pour l’Université de Harvard.
Il bénéficie du très sélectif programme
de bourse « Fulbright». Mais c’est finalement le président Houphouet
Boigny qui lui accorde une bourse présidentielle sans restriction. Ainsi en 1992,
Thierry Tanoh s'envole vers les États-Unis
pour Harvard, où il aurait pu croiser, une année plus tôt, un certain Barack
Obama.
Dés la fin de ses études, en 1994, il intègre la Société Financière
Internationale (SFI), branche privée de la Banque Mondiale. Le jeune
fonctionnaire international gravira régulièrement les marches de cette
institution. Il connaîtra la consécration en 2008 en devenant le premier
francophone à occuper un poste de vice président opérationnel : Vice
président pour l’Afrique subsaharienne, l’Amérique Latine et Caraïbes et Europe
de l’Ouest de la SFI. Son passage à la SFI sera marqué par l’augmentation
exponentielle des interventions de la filiale de la World Bank en Afrique qui
ont franchi allégrement la barre des 2 milliards de dollars. C’est donc avec le
sentiment du devoir bien rempli qu’il décide de prendre une retraite anticipée
pour rejoindre le secteur privé et continuer le travail entrepris dans la sous
région.
« Je suis un très grand partisan de l’intégration sous
régionale. Dans ce contexte-là, je pense que le groupe Ecobank entre dans la
ligne de ce à quoi j’aspire et ce pourquoi j’ai travaillé toute la
vie».Presque, une profession de foi. A 49 ans, ce pur produit de la Banque
mondiale atterrit dans une banque panafricaine présente dans 34 pays et qui est
en phase d’internationalisation définitive. Avec Thierry Tanoh, l’institution
panafricaine acquiert une marge supplémentaire de visibilité sur la scène
internationale. Parviendra-t-il à consolider une banque qui pèse 20 milliards
de dollars de total bilan et seulement quelques millions de dollars de bénéfices
nets ? Comment se fera la répartition des rôles entre le ghanéen Albert Essien
et la Sénégalaise, Evelyne Tall, ses deux directeurs adjoints qui se présentent
comme les gardiens du temple ? Durant ses premières sorties à la presse, le
manager a fait montre de pragmatisme. Pour lui, Ecobank doit jouer le rôle de
fer de lance du secteur bancaire en Afrique subsaharienne.
La nomination de Thierry Tanoh est une bonne nouvelle pour
le secteur privé africain dont il était l’ardent défenseur au sein de la SFI.
Voilà ce qu’il confiait à Les Afriques en 2008 : «En Afrique, le coût du
financement local est très élevé. J’ai un ami et entrepreneur qui me disait
l’autre jour qu’il empruntait à plus de 15%. Ce taux place la barre de la
rentabilité un peu trop haut pour une entreprise. Par ailleurs, l’environnement
des affaires n’évolue favorablement que depuis très peu de temps, y compris
pour les banques qui ont souvent du mal à obtenir des garanties fiables, comme
par exemple sur un bien immobilier dont la propriété ne serait pas parfaitement
formalisée, ou bien dans un contexte où la justice n’est pas toujours
impartiale». Un diagnostic qui a valeur de programme pour celui qui invitait
alors les banques à plus d’engagements «les banques doivent peut-être davantage
jouer leur rôle. Si elles se limitent à investir dans les bons ou les emprunts
obligataires d’Etat, elles ne contribuent pas beaucoup au développement d’une
économie dynamique». Quatre ans sont passés depuis et Thierry Tanoh, a,
aujourd’hui, l’occasion inouïe de transformer l’essai.
Sélectionné parmi une trentaine de candidats par le très
réputé cabinet Korn Ferry, Thierry Tanoh
suit en ce moment une période de rodage en
étroite relation avec son prédécesseur Arnold Ekpé.il prendra les commandes du premier réseau
bancaire africain à la fin de l’année. Mais bien qu’encore assis sur un
strapontin, sa marge de manœuvre est entière. Les cadres de la banque
confirment que Arnold et lui se parlent beaucoup et s’entendent bien. Ils
ajoutent que pour les décisions qui engagent l’avenir, c’est plus Thierry Tanoh
qui est à la manœuvre.
Le prochain plus influent
banquier du continent n’a pas le temps de s’ennuyer. Il arrive tous les jours à
7h30 dans le gigantesque Centre panafricain Ecobank du Togo. Son bureau provisoire
situé au 7ème étage est une pièce toute en verre masqué par des
stores. Des photos de lui-même en compagnie de ses 3 enfants et de son épouse y
tronent. C’est que pour le nouveau patron
d’Ecobank, la réussite professionnelle semble assise sur un bon dosage entre
travail et vie familiale. Le patron-dauphin
consacre ses journées à se documenter, tester les produits Ecobank, rencontrer
des clients, des actionnaires, communiquer avec les staffs. Ceux qui l’ont
rencontré sont impressionnés par son calme, sa simplicité et son ouverture.
Ses challenges sont nombreux :
résister à la concurrence accrue des banques, notamment du Maghreb, du Nigeria
et de l’Afrique du Sud, assurer un retour sur investissement aux 600 000
actionnaires institutionnels et individuels locaux et internationaux,
travailler sur l’expansion géographique de la banque pour couvrir toute
l’Afrique subsaharienne, utiliser
ingénieusement les nouvelles technologies pour réduire le taux de sous
bancarisation, par exemple le « mobile banking ». Il devra toutes
fois imposer en douceur son style et ses méthodes afin de hisser au plus haut
la banque panafricaine.
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