17 févr. 2014

L’ECOLE NORMALE N’EST PLUS SUPERIEURE




          L’ENS d’Abidjan formait avec l’ENA et l’INPHB de Yamoussoukro les écoles d’élite en Côte d’Ivoire. N’y entraient que des étudiants aux parcours exceptionnels rigoureusement sélectionnés a l’issue d’un concours très sélectif. L’ENS a ainsi contribué à former de nombreux cadres du système scolaire ivoirien et de la sous région. Ce lustre d’antan, la Mère de l’école ivoirienne le devait en grande partie a un homme : Rawhi Al Chamaa, un fonctionnaire international affecté en son sein par l’UNESCO.

          Pendant de nombreuses années, Al Chamaa a occupé les fonctions de Chef du Service Examens dudit établissement. Sa rigueur a ce poste avait fait du concours d’entrée de l’ENS l’un des plus « propres » du pays. Cela a valu à ce fonctionnaire le respect et les hommages de plusieurs générations d’étudiants de la prestigieuse école. Aujourd’ hui écarté de l’organisation des concours, l’homme s’est progressivement vu réléguer au rang de simple gratte-papier. Et depuis, l’Ecole Normale Supérieure d’Abidjan est devenue une école quelconque, un case-militants pour les derniers régimes qui se sont succédé à la tête du pays et qui ne savaient trop comment remercier certains de leurs jeunes fidèles.  On était en train de s’habituer a cette honteuse situation  lorsque ces derniers mois, la prestigieuse école est subitement devenue la proie de redoutables prédateurs.

          Depuis quelques mois en effet, l’administration de l’ENS et le Ministère de l’Enseignement Supérieur (ministère de tutelle) se disputent la responsabilité de l’organisation du concours d’accès à la prestigieuse école. A coups de décrets et d’arrêtés, chaque camp revendique sa légitimité. La guéguerre qui se faisait jusque là par communiqués à travers des médias interposés a connu un pic le Jeudi 13 Février dernier lorsqu’une horde de casseurs a débarqué dans l’établissement et a mis à sac le peu de ressources qu’il restait à la mère des écoles. Chaises et vitres ont volés en éclat, laissant la vieille dans un piteux état. Une certaine presse s’est ingéniée à nous expliquer que ces actes étaient le fait de candidats frustrés. Mais personne n’est dupe. Les candidats au concours de l’ENS, les vrais, sont encore trop impressionnés par l’ampleur de la crise dans l’école de leurs rêves. Ils n’ont d’autres choix que d’attendre à la maison, leurs dossiers en main le dénouement du conflit. Les pauvres ne comprennent, rien a cette tragi-comédie qui se joue sous leurs yeux. Alors, de quels candidatsfrustrés nous parle-t-on ?

La vérité c’est que, n’écoutant que leur ego et leur appétit, certains protagonistes du conflit de l’ENS n’ont pas hésité à franchir le cap des arguments pour déverser sur la prestigieuse école leurs bras séculiers. On le voit, leur souci n’a jamais été la bonne marche de l’Ecole Normale. L’objet de leur convoitise est connu de tous : le contrôle de la manne financière que représentent les frais de préinscription de 10.000 FCFA que doivent débourser les candidats au concours d’entrée. On cherche également à contrôler l’ENS pour pouvoir y faire entrer des protégés et autres affidés qui n’en ont pas les compétences.

          A quand la fin de ce bras de fer ? Bien malin qui saurait le dire. Et pendant ce temps, des enfants du pays attendent que leurs classes soient pourvues en enseignants qualifiés. Et pendant ce temps, tout de déroule comme si la Côte d’Ivoire n’était pas un état organisé. Tout se passe comme si il n’existait pas dans ce pays des institutions judiciaires capables de régler un simple conflit de compétences ; comme si il n’existait pas de Médiature pour concilier les différentes parties ; comme s’il n’existait pas de Primature capable de préciser les attributions entre un ministère et un Etablissement Public National. Et tout le monde invoque le retour du Chef de l’Etat pour mettre un terme au conflit.

          C’est le président américain Barak Obama qui expliquait aux dirigeants africains que « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes ». On se doutait bien qu’il ne serait pas entendu. Mais on avait sous-estimé la surdité de notre classe dirigeante.  Le conflit de l’ENS est en train de nous édifier. Gageons simplement qu’il reste encore suffisamment de discernement aux différents protagonistes pour ne pas détruire ce qu’il reste de l’ENS avant le retour du Chef de l’Etat. L’avenir de l’école ivoirienne en dépend.

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