L’ENS d’Abidjan formait avec l’ENA et l’INPHB de
Yamoussoukro les écoles d’élite en Côte d’Ivoire. N’y entraient que des
étudiants aux parcours exceptionnels rigoureusement sélectionnés a l’issue d’un
concours très sélectif. L’ENS a ainsi contribué à former de nombreux cadres du
système scolaire ivoirien et de la sous région. Ce lustre d’antan, la Mère de
l’école ivoirienne le devait en grande partie a un homme : Rawhi Al
Chamaa, un fonctionnaire international affecté en son sein par l’UNESCO.
Pendant de nombreuses années, Al Chamaa a occupé les
fonctions de Chef du Service Examens dudit établissement. Sa rigueur a ce poste
avait fait du concours d’entrée de l’ENS l’un des plus « propres » du
pays. Cela a valu à ce fonctionnaire le respect et les hommages de plusieurs
générations d’étudiants de la prestigieuse école. Aujourd’ hui écarté de
l’organisation des concours, l’homme s’est progressivement vu réléguer au rang
de simple gratte-papier. Et depuis, l’Ecole Normale Supérieure d’Abidjan est
devenue une école quelconque, un case-militants pour les derniers régimes qui
se sont succédé à la tête du pays et qui ne savaient trop comment remercier
certains de leurs jeunes fidèles. On
était en train de s’habituer a cette honteuse situation lorsque ces derniers mois, la prestigieuse
école est subitement devenue la proie de redoutables prédateurs.
Depuis quelques mois en effet, l’administration de l’ENS et
le Ministère de l’Enseignement Supérieur (ministère de tutelle) se disputent la
responsabilité de l’organisation du concours d’accès à la prestigieuse école. A
coups de décrets et d’arrêtés, chaque camp revendique sa légitimité. La
guéguerre qui se faisait jusque là par communiqués à travers des médias
interposés a connu un pic le Jeudi 13 Février dernier lorsqu’une horde de
casseurs a débarqué dans l’établissement et a mis à sac le peu de ressources
qu’il restait à la mère des écoles. Chaises et vitres ont volés en éclat,
laissant la vieille dans un piteux état. Une certaine presse s’est ingéniée à
nous expliquer que ces actes étaient le fait de candidats frustrés. Mais
personne n’est dupe. Les candidats au concours de l’ENS, les vrais, sont encore
trop impressionnés par l’ampleur de la crise dans l’école de leurs rêves. Ils
n’ont d’autres choix que d’attendre à la maison, leurs dossiers en main le
dénouement du conflit. Les pauvres ne comprennent, rien a
cette tragi-comédie qui se joue sous leurs yeux. Alors, de quels candidatsfrustrés nous parle-t-on ?
La vérité c’est que, n’écoutant que leur ego et leur
appétit, certains protagonistes du conflit de l’ENS n’ont pas hésité à franchir
le cap des arguments pour déverser sur la prestigieuse école leurs bras
séculiers. On le voit, leur souci n’a jamais été la bonne marche de l’Ecole
Normale. L’objet de leur convoitise est connu de tous : le contrôle de la
manne financière que représentent les frais de
préinscription de 10.000 FCFA que doivent débourser les candidats au concours
d’entrée. On cherche également à contrôler l’ENS pour pouvoir y faire
entrer des protégés et autres affidés qui n’en ont pas les compétences.
A quand la fin de ce bras de fer ? Bien malin qui
saurait le dire. Et pendant ce temps, des enfants du pays attendent que leurs
classes soient pourvues en enseignants qualifiés. Et pendant ce temps, tout de
déroule comme si la Côte d’Ivoire n’était pas un état organisé. Tout se passe
comme si il n’existait pas dans ce pays des institutions judiciaires capables de
régler un simple conflit de compétences ; comme si il n’existait pas de
Médiature pour concilier les différentes parties ; comme s’il n’existait
pas de Primature capable de préciser les attributions entre un ministère et un
Etablissement Public National. Et tout le monde invoque le retour du Chef de
l’Etat pour mettre un terme au conflit.
C’est le président américain Barak Obama qui expliquait aux
dirigeants africains que « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais
d’institutions fortes ». On se doutait bien qu’il ne serait pas entendu.
Mais on avait sous-estimé la surdité de notre classe dirigeante. Le conflit de l’ENS est en train de nous
édifier. Gageons simplement qu’il reste encore suffisamment de discernement aux
différents protagonistes pour ne pas détruire ce qu’il reste de l’ENS avant le
retour du Chef de l’Etat. L’avenir de l’école ivoirienne en dépend.
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